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Wunsiedel (Allemagne)

Pas de défilé néo-nazi pour commémorer la mort de Rudolf Hess

Le samedi 3 juin 2006

Manif antifa à Wunsiedel (Banderole ; Contre les mythes de l’Allemagne victime / Stopper l’apologie du national-socialisme)

(Article paru dans le Monde Libertaire)

Depuis le suicide de Rudolf Hess en 1987 à la prison de Spandau-Berlin, les néo-nazis et fascistes de tout bord se donnent chaque année rendez-vous le 20 août pour commémorer sa mort à Wunsiedel en Bavière où il est enterré. L’année dernière la manif néo-nazie a connu sa plus forte affluence en rassemblant quelques 4500 personnes. Cette année, notamment grâce à une forte mobilisation des antifascistes radicaux à Wunsiedel (2000 personnes), le défilé commémoratif n’a pu avoir lieu.

Rudolf Hess, pour diverses raisons, est une figure d’identification pour le mouvement néo-nazi et les fascistes. Il fut le compagnon de route et un ami intime d’Hitler depuis les années 1920. Il contribua à la rédaction de "Mein Kampf" qui contient l’idéologie nazie, ainsi que la solution finale. C’est donc aussi l’antisémitisme de Rudolf Hess qui séduit les néo-nazis. Autre facteur important, le dauphin d’Hitler ne s’est jamais "distancié" et n’a jamais exprimé aucun "regret" pour ses actes. Bien au contraire, il a toujours assumé et revendiqué sa participation à la mise en place de la dictature nazie. En 1941 ; il part en avion pour l’Ecosse en vue de négocier probablement une « paix séparé » avec les Anglais, qui le mettent en prison. Au procès de Nuremberg il déclara : "Je ne regrette rien. Si je pouvais revenir en arrière, j’agirai de la même manière, même si je savais qu’à la fin m’attendait la mort par les flammes sur le bûcher."

Lorsque le dignitaire nazi se suicide le 20 août 1987 à la prison de Spandau-Berlin, les facistes contestent les faits et soutiennent qu’il a été assassiné...Ainsi la boucle est bouclé, Rudolf Hess, après avoir été "l’aviateur de la paix", devient maintenant en plus un martyre de la cause "assassinné" dans "les geôles de la République Fédérale Allemande" ! Lors de sa mise en terre, Wunsiedel a été "assiègée" pendant plus de deux semaine par des néo-nazis qui voulaient assister à la mise en terre et se recueillir sur sa tombe. C’est à partir de ce moment que commence l’"histoire" des défilés de commémoration.

Les défilés et la mouvance néo-nazie

A partir de l’année 1988 vont commencer les défilés tout les 20 août pour commémorer la mort de Rudolf Hess. De 1988 à 2000 les néo-nazis vont donc manifester avec plus ou moins de succès. La campagne, jointe à la tolérance de la Cour constitutionnelle, entraîna une banalisation de ce genre de manifestation.
A partir de l’an 2000, les défilés à Wunsiedel prenaient donc une importance et une ampleur toute particulière. Pour la mouvance néo-nazie, Wunsiedel revêt un caractère tout à fait spécial. A une date précise, tout le mouvement néo-nazi, mais aussi d’autres tendances fascistes et d’extrême-droite (même antagonistes) s’y retrouvent pour célèbrer une quasi fête populaire. Depuis 2003, le NPD (parti d’extrême-droite) a tout à fait officiellement participé à ce défilé.

Wunsiedel permet également aux différents groupes et organisations de se rencontrer, de se faire voir et d’être vu et cela même au niveau international car en 2004, des militants de 21 pays étaient présents. C’est donc un lieu idéal pour tisser des liens et surtout pour motiver des gens encore peu actifs dans la mouvance de lancer des groupes ou de rejoindre des organisations. Cette manifestation a donc pour effet de structurer plus solidement le mouvement néo-nazi et permet également aux groupes les plus radicaux de nouer des contacts avec des partis politiques ; le NPD en l’occurance. A côté de tout cela, il y a aussi un effet générationnel qui joue dans la mesure où les défilés commémoratifs existent depuis 17 ans et couvrent donc une période non-négligable de "l’histoire" de la mouvance néo-nazie.

Ainsi, à Wunsiedel c’est un peu le passé qui rejoint le présent, les anciens militants croisent les jeunes. Des anciens Waffen-SS transmettent leur "héritage national-socialiste" aux jeunes militants et inscrivent ou tentent d’inscrire la mouvance dans une continuité histoirque en jettant des passerelles entre le passée et le présent. Il paraît donc évident que ces défilés commémoratifs sont important pour les fachos à plus d’un titre. Il ne s’agit pas seulement de quelques skin-nazis écervelés qui défileraient dans un bled paumé en Bavière...même si certains voudraient le faire croire ! Ces manifestation ont bel est bien une logique militante et s’inscrivent dans une stratégie politique bien définie.

Le 20 août 2004, 4500 fascistes de tout bords ont défilé à Wunsiedel. Face à eux se sont retrouvés quelques 200 antifas radicaux...Outre le fait que quelques heurts aient éclatés, un bus de militants antifascistes s’est fait attaquer. Suite à cela les antifascistes ont lancé durant de nombreux mois une campagne de mobilisations pour empêcher le défilé commémorant la mort de Rudolf Hess le 20 août 2005.

La riposte antifasciste ; la campagne contre l’apologie du national socialisme

Face aux difficultés qu’avaient rencontrés les antifascistes radicaux en 2004 et surtout pour envoyer un signal clair en 2005, année qui marque aussi les 60 ans de la défaite du nazisme les antifas ont lançé dans toute l’Allemagne la "campagne contre l’apologie du national-socialisme". Cette vaste mobilisation devait empêcher par le biais d’une journée d’action antifasciste le défilé néo-nazi du 20 août dernier, mais également thématiser le révisionnisme historique.

Travestir l’histoire avait pris, en cette année, 60 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, une place importante dans leur (néo-nazis) démarche politique. Les pseudos-théories de l’Allemagne victime ont pris plus d’importance qu’auparavant tant, elles ont pu trouver des échos même au centre de l’échiquier politique et plus globalement dans certaines couches de la société. Lors de la commémoration du bombardement de Dresde un élu du NPD, Jürgen Gänsel, a employé le terme "d’holocauste par les bombes" pour évoquer ce bombardement par les alliés en 1945. Cela a déclenché de très vives réactions, et il à même été question d’interdire le NPD.

Mais, ce qui a été passé sous silence c’est qu’un historien renommé, apprécié des médias, Friederich Jörg, travestit l’histoire en faisant un trait d’égalité dans son livre "Der Brand" (L’incendie) entre les victimes réelles et les coupables. Il pratique le renversement des rôles et utilise des termes employé durant l’époque du national-socialisme (notamment des termes relatifs à l’extermination des juifs) pour évoquer les forces alliées lors du bombardement de Dresde. Ainsi il n’hésite pas à définir les escadrilles d’avions alliés comme des "Einsatzgruppen" (terme désignant les troupes qui liquidaient les populations civiles et les juifs à l’est), à désigner les abris anti-aérien en feu de "crématoires" et d’écrire que la population civile de Dresde a été "exterminée". Ce livre qui a connu un franc succès montre bien que le NPD n’a pas le monopole du révisionnisme !

De manière générale, bien des discours sont pour le moins ambïgus. Le but est de faire passer les coupables pour des victimes par une subtile décontextualisation. C’est dans ce sens que la campagne contre l’apologie du national-socialisme a combattu le révisionnisme historique, d’ailleurs bien au-delà de l’affaire de Dresde, qui a plus attiré l’attention que bien d’autres polémiques similiaires. Les antifas ont réaffirmé avec force que "les coupables allemands ne sont pas des victimes".

Pour essayer de relayer les différentes thématiques mises en avant par la campagne et pour organiser la mobilsation à la journée d’action antifasciste à Wunsiedel, des soirées d’informations et de préparation ont été organisées (projection d’un film, brochures etc.) dans de nombreuses villes. Cette vaste mobilistation a aussi eu un certain écho dans les journaux locaux, et le problème du défilé de commémoration des néo-nazis a commencé à se poser.

Grâce à nos contacts aves les antifascistes radicaux d’Offenburg, nous avons pu nous associer à la mobilisation. C’est ainsi que nous sommes partis avec les militants de Fribourg et d’Offenbourg en car pour rejoindre les sept autres bus qui partaient du Bade-Würtemberg (une cinquantaine de bus pour toute l’Allemagne) pour aller à Wunsiedel. Nous avons appris tardivement que toute manifestation en relation avec Rudolf Hess avait été interdite dans toute l’Allemagne. C’est dans cette optique qu’un certain nombre de bus se sont déroutés sur Nuremberg où le NPD avait soudainment, comme par hasard, déposé une manifestation en relation avec la campagne électorale en Allemagne.

A Wunsiedel, la journée d’action a été réussie. Outre l’intervention d’un ancien déporté, la tenue d’un petit concert et de stands d’informations, un cortège militant rassemblant quelque 2000 antifascistes radicaux a manifesté a travers la ville. Seuls quelques fachos isolés étaient en ville...Pour en revenir à Nuremberg, 300 antifas ont été présent, et le défilé organisé par le NPD a été écourté. Les néo-nazis n’ont donc pas pu commémorer la mort du dauphin d’Hitler cette année !

En ce qui concerne l’interdiction des défilés néo-nazis, il faut préciser que celle-ci s’est réalisée par le biais d’un nouveau texte de loi qui pourrait d’ailleur aussi servir à interdire d’autres manifestations politiques, il s’agit donc d’être vigilant ! Ce texte de loi ne signifie pourtant absolument pas que l’année prochaine la situation sera la même. En Allemagne, les décisions des tribunaux pour autoriser des manifs néo-nazis sont pour le moins aléatoires. De toute façon, si le défilé à Wunsiedel des néo-nazis a été interdit cette année, c’est aussi en grande partie dû à la pression des antifas radicaux à travers leur campagne et au fait que 2000 d’entre-eux s’étaient mobilisés dans la petite ville de 10.000 habitants avec pour mot d’ordre d’empêcher les néo-nazis de commémorer la mort de Rudolf Hess ! Depuis ces dix dernières années, c’est la première fois, le 20 août, que les antifas sont plus nombreux à battre le pavée que les néo-nazis. Une forte mobilisation antifasciste est donc bien plus importante pour lutter contre les néo-nazis et les fascistes en général que d’hypothétiques décisions de tribunaux !

Olynx

Groupe de Strasbourg - Fédération Anarchiste


Sources :
www.ns-verherrlichung-stoppen.tk, www.antifa-offenburg.de.vu, www.antifa-freiburg.de, www.antifa.de, brochures et matériel d’informations de la "Kampagne gegen NS-Verherrlichung

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